Le lieu est d'abord un cadre de nature. Il se découvre à la faveur des pas. Au détour d'un chemin, de la route – d'un chemin plus que de la route – il apparaît. Comme de lui-même, on dirait, se dégage de son entour, de ce qui n'est, pour le passant hâtif, qu'un continu de paysage globalement ressenti. Il apparaît, se donne à voir, mais non d'emblée, ni en pleine évidence. Le lieu ne s'impose pas, comme ferait un site à découvert, aussitôt admiré ; le lieu n'est pas chose qu'on admire. Il est ce qui nous parle. D'une voix sourde le plus souvent, et qu'il faut savoir reconnaître, mais bientôt insistante… C'est une prairie déclive à l'orée d'un bois, montant vers lui d'un mouvement paisible, avant de se perdre en sa zone d'ombre ; c'est l'eau immobile d'un étang devinée entre les arbres, ou la mer soudain apparue, masse lisse d'eau bleue entre deux falaises… Le lieu parle d’ici, avec les moyens d'ici, mais d'ailleurs aussi bien – comme d'un ailleurs dans l'ici. Il est, bien sûr, à chaque fois une découpe dans ce qui n'est qu'alentours ou parages indistincts, mais non tout à fait arbitraire et qui semble en attente d'être avérée, ratifiée, de trouver en nous son écho. A l'analyse et après coup, on peut même penser qu'il est réellement attente et sourd appel, voix qui ne demandait pour être telle que d'être si faiblement que ce soit entendue, parole sinon proférée, du moins proférable du monde.
Roger Munier, "Si j'habite", Fata Morgana 1994, p. 20.
Source: http://poezibao.com
Roger Munier dans Poezibao :
Bio-bibliographie http://poezibao.typepad.com/poezibao/2006/09/roger_munier.html ,
extrait 1 http://poezibao.typepad.com/poezibao/2006/09/anthologie_perm_20.html ,
extrait 2 http://poezibao.typepad.com/poezibao/2006/11/anthologie_perm_11.html ,
extrait 3 http://poezibao.typepad.com/poezibao/2007/09/anthologie-pe-5.html,
Les Eaux profondes (présentation http://poezibao.typepad.com/poezibao/2007/09/poezibao-a-re-1.html),
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