Leçons de science
Le corps humain est superflu.
Rochester le savait : rentrant chez lui en titubant
après une nuit salace, vannes ouvertes,
testicules fripés, reins lessivés,
les doigts dégoulinants et âcres, il était consumé
par le savoir. Ayant caressé
le mol affaissement de chair, de la côte à la hanche,
il anticipait chevalet, gibet, chaudron, tous les instruments
précis de la question, tout comme
le frisson éloquent et final ; il savait
que les algues vertes de l’étang ont la chair de poule,
bizarrement agitées ; savait que les Cheveux
du Roi pendillent comme de la dentelle, que le limon aspire
et suinte d’une confession de plaisir ;
savait que la vérité est un prisonnier
suppliant sa délivrance.
Encore et encore la fille à la peau luisante,
le garçon au corps satiné doivent prendre la pose
tandis que le savant Amour bégaie, se répète,
chancèle et s’embrouille dans ses litanies bâclées
décortiquant la forme pure du corps de cette mort.
Max Jacob à Saint-Benoît
Le square à midi. Feuilles de platane, poussière :
une bourrasque de chaleur éclatante les fait filer ventre à terre.
Même les ombres bruissent. Les Belges sont partis.
Le petit terrier trotte tout seul.
Max pria ici, le grand poseur,
mystique de salon et littérateur,
mais quatorze ans, rappelez-vous, une sacrée pose
pour un dandy parisien.
Il avait un sens infaillible de la scène.
Vous voyez cette âme de pierre qui se déchire
entre diable et séraphin ?
Roman, bien sûr, pour que Max lisse
le joli plumage de son âme ici
d’années de lassitude en années de poussière.
Pas facile pourtant. Quel ennui !
Cette terre plate et chaude, la Loire léthargique ;
De jour, de nuit, de jour : prière, devoir ;
Plus de vision jaune et bleu du Christ sur l’arbre
(d’après l’aquarelle de Max), plus de cinémathèque
et films X aux Vierges grondant le « pauvre Max »
(scandalisant les confesseurs),
plus de mystiques esthétisants sur ses traces.
De la poussière seulement, à Saint-Benoît. Le périple
vers Dieu ? Au-delà de la crypte, ce fut la voie
d’un ennui à l’autre au lit du camp
à Drancy. Là, les Nazis le laissèrent mourir
– un vieux Juif malade ? – de « mort naturelle. »
Rosanna Warren, deux poèmes extraits de Stained Glass et de Each Leaf Shines Separate, traductions inédites d’Aude Pivin, version originale en cliquant sur « lire la suite... »
Aude Pivin
Science Lessons
From Stained Glass
The human body is superfluous.
Rochester knew it: lurching home
from a night of swiving and sluicing,
ballocks crumpled, loins wrung out,
fingers dripping and pungent, he was consumed
by knowledge. Having caressed
the soft slippage of flesh from rib and hip,
foreknew rack, gibbet, kettle, all the precise
instruments of quest including
the final, eloquent shudder; knew
pond scum to grow gooseflesh, to be
as freakishly aroused; knew Spanish moss
to dangle as lace, black mud to suck
and ooze with a confession of pleasure;
knew truth a prisoner
begging to be shucked free.
So over and over the glossy girl,
the sleek-limbed boy, must pose
while Love the scientist stutters, repeats himself,
staggers through his garbled litanies
husking pure form from the body of this death
•
Max Jacob at Saint Benoît
From Each Leaf Shines Separate
The noonday square. Plane leaves, dust:
they scurry in heat shimmering gusts.
Even shadows rustle. The Belgians are gone.
The tiny terrier trots alone.
Max prayed here, le grand poseur,
salon mystic and littérateur,
but fourteen years, remember, that's one hell
of a pose for a Paris swell.
He had an infallible sense of scene.
See that stone soul torn limb from limb
between the devils and seraphim?
Romanesque, of course, for Max to preen
his own soul's pretty plumage here
year after tiresome dusty year.
And still, it wasn't easy. Quel ennui!
This flat, hot land, the sluggish Loire;
daily, nightly, daily: prière, devoir;
no more blue-yellow visions of Christ on the tree
(from Max's aquarelle), no more cinemathèque
blue movie Maries scolding "pauvre Max"
(to scandalize confessors),
no more dandified mystics dogging his tracks.
At Saint Benoît, just dust. The trek
to God? Beyond the crypt, it led –
from boredom to boredom to prison camp bed
in Drancy. There, the Nazis let him die
– an old Jew with pneumonia?– "naturally."
Merci Florence Trocmé et Poezibao!
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