segunda-feira, 22 de fevereiro de 2010

Avrom Sutzkever

lundi 22 février 2010/Avrom Sutzkever


DANS LA HUTTE DE NEIGE

Soleil couchant chemins que bleuit le verglas.
Douces couleurs de somnolence dans mon âme.
Luit d’une hutte dans le val un pâle éclat,
Sous la neige l’ensevelit le soir en flammes.
Aux vitres les forêts-à-prodiges déboulent
De magiques traîneaux tintent en carrousel,
À l’angle du grenier des colombes roucoulent
Et déroucoulent mon visage. Sous le gel
Rayé par des cristaux dont la pointe fulgure,
Presqu’irréel l’Irtich se noue en palpitant.
Sous des coupoles de silence et de froidure
Fleurit ce monde : un enfant de sept ans.


PRIÈRE À SOI-MÊME

À moi-même ainsi qu’à un étranger je colle mon oreille,
Et mes yeux débordants de visions chantantes,
Je me ramifie dans tes profondeurs comme les veines dans le marbre :
Par qui tous tes secrets furent-ils ensevelis ?
Pour qui la musique de tes secrets non révélés ?
Musique de mains et de lèvres. Sons-symboles dans les ténèbres.
Musique de pluie, d’arc-en-ciel. Plus loin, plus loin, plus loin….

Tu es ruche que le feu cerne et je ne puis m’en approcher.
Tu me nourris du bruit brisé de tes abeilles.
Parfois une abeille s’égare, elle vole dans le désert,
Cherche une brindille de chair et la beauté la rend aveugle,
Une autre voudrait embrasser la fleur venimeuse et mourir.

J’écoute et je vois, tous les sons-symboles me sont des aiguilles
Pour recoudre les plaies sur les muscles blancs du papier.
Mais tout cela que j’ai chanté jusqu’à présent me semble pauvre
Comparé aux trésors qu’en moi tu as éparpillés.
Et chaque son est un écho du mystère des profondeurs,
La ruche s’éloigne et se voile encore plus à chaque pas.

Le temps est fait de cire bleue. Elle va fondre goutte à goutte,
Ô silence déshabillé du temps ! Voici que les abeilles
Reviennent déjà de leur long voyage ensoleillé.
Une fois au moins laisse-moi rentrer en moi-même ainsi que le sang dans le sang,
J’attends le coup de dard de leur reine sauvage.


Avrom Sutzkever, in Anthologie de la poésie yiddish, présentation et traduction du yiddish de Charles Dobzynski, Paris, Gallimard, 2000, pp. 528 et 535




« Il dispose d’un registre très ample, qui lui permet d’associer sa connaissance intime de la tradition juive à la réflexion, le ton de la légende à celui de la confession. A travers la multiplicité de ses expériences, d’une thématique qui évoque successivement son enfance en Sibérie, la tragédie du ghetto et de l’extermination, la naissance et le développement d’Israël, il se retrouve toujours face à lui-même [...] » (Charles Dobzynski)

Le poète yiddish Avrom Sutzkever est né le 15 juillet 1913 en Lituanie. Ses parents durent se réfugier en Sibérie et c’est là que le jeune Avrom rencontra Avidor Hameiri, qui l’initia à la poésie. Son père meurt en 1920 et il s’installe avec sa mère à Wilno (Vilnius)
. « La "Jérusalem de Lituanie" est à l'époque l'un des centres culturels les plus actifs du monde juif. Les débuts poétiques d'Avrom Sutzkever, membre du groupe d'artistes et d'écrivains yiddish Yung Vilne ("Jeune Vilno"), y coïncident d'ailleurs avec l'éclosion du modernisme dans les lettres yiddish »*. Il publie son premier livre en 1937. Il participe à la résistance du ghetto de Vilnius, il en est l’un des rares rescapés et rejoint une unité de partisans. En 1944, il est à Moscou et Boris Pasternak le traduit. En février 1946, il témoigne au procès de Nuremberg. Il est aussi un des témoins du Livre noir, le recueil de témoignages réunis par Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman. Après un bref séjour à Paris (1946-1947), il se fixe en Israël où il dirige la très importante revue littéraire Di Goldene Keyt (La Chaine d’or) jusqu’à ce que celle-ci cesse de paraître en 1996. Il est mort le 27 janvier 2010 à Tel-Aviv.
*article de Florence Noiville, Le Monde, vendredi 29 janvier 2010. Les autres éléments de cette notice sont empruntés à Charles Dobzynski, in Anthologie de la poésie Yiddish, Poésie/Gallimard.
Bio-bibliographie d’Avrom Sutzkever http://poezibao.typepad.com/poezibao/2010/02/avrom-sutzkever.html .

Avec mes remerciements à Marilyn Hacker qui m’a transmis ces textes.
Florence Trocmé

Index de Poezibao http://poezibao.typepad.com/poezibao/index-de-.html
Une de Poezibao http://poezibao.typepad.com/
Centre de ressources poésie de Poezibao http://www.netvibes.com/florencetrocme
Les favoris de Poezibao http://delicious.com/FlorenceTrocme


Sem comentários: